Depuis son retour au pouvoir, le président américain imprime un rythme politique effréné, prend des décisions radicales à la limite de la légalité et paralyse à la fois le camp démocrate et les médias. Analyse de Françoise Coste, professeur à l'Université de Toulouse Jean Jaurès et spécialiste de la politique intérieure américaine.
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RFI : La vitesse de décision de Donald Trump depuis son retour au pouvoir a surpris les Américains, s’agit-il d’une stratégie réfléchie ?Françoise Coste : Oui, car l’idée de « nettoyer Washington », Donald Trump s’en vantait avant même les élections, idem pour la question des expulsions d’immigrés clandestins. Le rythme de signature de ces décrets, plusieurs dizaines en à peine un mois, rappelle les 100 premiers jours de Franklin Roosevelt en 1932, lorsque Roosevelt a été élu au beau milieu de la Grande Dépression économique et qu’il a lancé son New Deal. C’est lui qui, le premier, a eu l’idée d’attaquer très vite, de ruer dans les brancards dès le début pour marquer les esprits. La différence, c’est qu’il y avait de la part de Roosevelt le souci de faire des projets de loi et de s'assurer que le Congrès les vote. Ce n’est pas du tout l’optique actuelle de la Maison Blanche qui opte pour des mesures unilatérales, sans passer par les élus.Faut-il y voir une manière de submerger l’opposition, qui n’a pas le temps de réagir ?Bien sûr, c’est très malin et c’est valable aussi bien pour l’opposition, qui est inexistante, que pour la presse, qui n’a pas le temps de creuser les sujets. On parle d’une à deux décisions par jour qui bouleversent des secteurs que l’on croyait intouchables. Or, l'opposition est à la fois sidérée de l'ampleur de ces changements et de leur rapidité. Elle en devient muette parce qu'elle ne sait pas par quel bout prendre le problème : le temps médiatique et le degré d'attention que les gens portent à la politique ne sont pas compatibles avec des séismes qui équivalent à quatre ou cinq Watergate quotidiens. C'est noyé dans la masse, pas forcément légal, mais ça passe. Sur le plan politique, c'est à la fois inquiétant et objectivement brillant. Quid des contre-pouvoirs comme l’appareil judiciaire, chargé de veiller à la légalité de ces décrets ?Des fonctionnaires fédéraux ont porté plainte pour licenciement abusif, estimant que leur mise à la porte n’avait pas respecté les conventions collectives. Mais il s’agit pour l'instant de plaintes individuelles, éparpillées dans plusieurs États, il n’y a pas d'effet de masse. Par ailleurs, le cours de la justice est très lent, il va falloir enquêter, aller au procès, faire appel à des tribunaux fédéraux, peut-être un jour à la Cour suprême. Tout ce processus peut prendre des années face à un Donald Trump lancé dans une course contre la montre. Il a l’avantage.Les États-Unis se dirigent-ils vers une crise constitutionnelle ?On y est déjà, car la Maison Blanche